Sherlock Holmes
De la date de naissance
Les romanciers sont toujours réticents quand il s'agit de donner des précisions sur l'âge de leurs personnages. On trouve très peu de dates de naissance dans les romans. Intemporelles, les romans sont éternels.
Ici et là, on trouve un contre-exemple. Ainsi dans "La fuite de Monsieur Monde’’, Georges Simenon précise la date d'anniversaire de son héros, qui décide de prendre la fuite un 13 janvier, le jour de ses 48 ans. Mais l'année n'est pas précisée. Tout quitter est d'ailleurs une action très Uranienne -Uranus régit le signe du Verseau-. Dire :"Tiens, je vais aller acheter une boîte d'allumettes’’ et disparaître, voilà bien une attitude uranienne.
Tereza Batista est l'un de ces rares romans où on peut retrouver, à quelques jours près, une date de naissance. Jorge Amado la fait naître "deux jours avant la Saint Jean" qui, au Brésil, se fête le 24 juin. L'auteur donne quelques repères : Tereza est vendue par sa tante à un homme, le Capitaine, à 12 ans. Deux ans et trois mois après, elle découvre l'amour avec Daniel à 15 ans. Et tue d'un coup de couteau le Capitaine. L'une des dernières scènes du livre se déroule le jour du centième anniversaire de la mort du poète Castro Alves, soit le 5 juillet 1971. Amado surnomme son héroïne, Tereza de la Nouvelle Lune. Elle est peut-être née le 22 juin 1944, jour d'une nouvelle lune en Cancer. En 1971 elle aurait 27 ans. Cette chronologie peut évidemment se discuter. Ce qui fait d'ailleurs partie de ce mystérieux bonheur que peut procurer la lecture d'un roman. Un roman sans ambiguïté serait bien triste.
La plupart des astrologues, associent le thème de l'écrivain à celui de son héros. Agatha Christie était née avec le Soleil dans le signe de la Vierge. Hercule Poirot sera Vierge. Dans San-Antonio, premier flic de France, Raymond Milési considère que San-Antonio est Cancer, puisque son Papa, son créateur, Frédéric Dard, est né un 29 juin. Je n'ai pas retrouvé de citation correspondante, mais j'ai pu me tromper. Le problème avec ce type de rationalisation est que la plupart des personnages de roman seraient Vierge, beaucoup d'écrivains étant marqués par le signe de la Vierge.
Voilà ce que je me disais, après avoir lu quatre San-Antonio à la suite dans l'Eurostar -le train avait un peu de retard- cherchant à retrouver si Frédéric Dard avait oui ou non indiqué que San-A était né le 29 juin:
-"Tu vois, ma chérie, il dit bien qu'il est né dans le Dauphiné et qu'il mâchait de la réglisse dans son enfance, mais encore rien sur sa date d'anniversaire. Je suis désespéré !"
-"Moi aussi !"
Nous avions en effet décidé, avec ma femme, de passer un week-end à Londres. Je crois que ce qui a fini de l'énerver cet après-midi là, c'est que j'ai également eu du mal à dénicher le 221b Baker Street (essayez, vous verrez bien), adresse du musée Sherlock Holmes à Londres. Pendant qu'elle hésitait (son ascendant est en Balance) à se faire photographier assise sur le fauteuil du détective, je lisais l'étude d'un astrologue qui affirmait que Holmes était Capricorne ascendant Scorpion. Capricorne parce que la date de naissance indiquée par Conan Doyle était le 6 janvier 1854. Le Scorpion aime bien percer les secrets des gens, alors l'astrologue -je n'ai pas retenu son nom, mais il devait avoir du Scorpion dans son thème- avait choisi Scorpion pour le signe ascendant.
J'étais bien intrigué. Un romancier qui aurait précisé la date de naissance exacte de son héros! Poussé par ma curiosité, je suis allé, quelques jours après mon retour à Paris, à la bibliothèque de la rue Cardinal Lemoine, spécialisée dans la littérature policière, et j'ai découvert "The annotated Sherlock Holmes" et "The World Bibliography of Sherlock Holmes and Dr. Watson".
En fait, Conan Doyle, comme presque tous les romanciers, n'a jamais précisé la date de naissance de son héros. Les différents commentateurs de son oeuvre hésitent entre 1852 et 1867. Le consensus est vers 1852-1854.
La date du 6 janvier 1854 vient de trois petites phrases tirées de ‘’The Valley of Fear’’: "Being the seventh of January..."; "Those were the early days at the end of the eighties..."; "He leaned upon his hand, with his unstasted breakfast before him..."
Toute une littérature s’est développée sur ces deux phrases avec un argumentaire pour le moins peu convaincant. Puisque Sherlock Holmes ne touchait pas à son petit-déjeuner, c’est qu’il avait la gueule de bois. S’il avait la gueule de bois, c’est que, la veille de ce 7 janvier, il avait fêté son anniversaire ! Ce n’est plus de l’astrologie, c’est du syllogisme !
Capricorne - Poissons
Je relie l'attrait de Sherlock Holmes pour la musique et la drogue à la symbolique du signe des Poissons. Son esprit humanitaire -il aime bien aider les autres- me fait aussi penser aux Poissons. Son esprit scientifique, son côté introverti, peuvent correspondre au Capricorne. Pour moi, il serait plutôt né le 4 janvier 1854 que le 6 janvier. Dans sa dernière aventure ("His last bow") il sort de sa retraite en 1912 pour chasser les espions, après avoir publié un livre sur les abeilles. Il a alors environ soixante ans ("... he has around sixty..."). Il aurait ainsi son Soleil en Capricorne et sa Lune en Poissons.
Le thème de Sherlock Holmes contient notamment une conjonction Neptune-Vénus en Poissons. Cette association de deux planètes féminines lui va bien. Martine Barbault écrit à propos de cet aspect: "Le registre amoureux est immense... la bisexualité est possible." C.E.O. Carter remarque: "It often happens that the affections are disappointed or denied full expression... it may form a constituent part of the nativities of artistic geniuses."
Soleil en Capricorne
Les images représentant les signes du zodiaque sont toutes évocatrices, mais j'ai toujours pensé que certaines sont plus complexes à interpréter que d'autres. Notamment le Capricorne, stylisé par un bouc à queue de poisson. Cette complexité tient peut-être à ce que le Capricorne corresponde à un achèvement. Le signe des Poissons termine le cycle du zodiaque, commencé au Bélier, tout à gauche, là où le Soleil se lève. Le Capricorne est le dixième signe, il est culminant, se situant en haut de l'horizon. Sherlock Holmes représente bien un vieux bouc, à la longue barbiche du scientifique avide de savoir. Il étudie, de la phrénologie -l'étude des caractères d'après la forme du crâne- à la vie des abeilles. Il est le type même de l'introverti, avec sa queue de poisson en forme de trait qui revient en arrière. Son appendice ne lui sert d'ailleurs pas à grand chose. Il sublime ses pulsions sexuelles en pratiquant la boxe, en épinglant un coupable. La nature, au début de l'hiver, là où se situe la saison du Capricorne, est comme saisie dans le cristal glacé. Rien ne se passe en surface. Le travail se fait en profondeur, dans le sérieux. Holmes étudie, veille, pendant que Watson ronfle.
Il existe un animal, le capricorne, le grand coléoptère, dont la larve creuse de longues galeries et qui travaille lui aussi dans l'ombre. Mais pour le zodiaque, il s'agit surtout du dieu Saturne, que les grecs appelaient Cronos.
Saturne est le dieu dont la symbolique est associée à la notion de temps (bien que le temps, Chronos, s'écrive différemment en grec). Saturne se fit d'abord remarquer en détrônant son papa à l'aide de ses six frères (les Titans).
Après s'être fait renverser à son tour, le frustré Saturne erra longtemps en exil jusqu'à trouver un territoire à gouverner (l'Elysée).
Le Capricorne a besoin de temps. En hiver la nature est lente. Il lui faut du temps pour concrétiser ses projets. Ceux-ci seront susceptibles d'être réalisés, car le Capricorne est un signe de terre. Mais il ne faut pas être trop pressé quand on est Capricorne. Il faut plutôt chercher à structurer dans le temps, à construire. Ne pas vouloir une jeune gloire, mais rechercher la solidité. A l'image de ces montagnards qui l'hiver, dans des chalets recouverts de neige, travaillent patiemment le bois. Ce qui a commencé au printemps, au Bélier, se concrétise, se solidifie au Capricorne, même si on ne le voit pas. C'est pour cela que l'on dit que la planète Saturne, maître du signe, indique comment est structuré -charpenté- le thème natal. Il faut prendre son temps même si cela peut être difficile à vivre pour l'entourage. Il faut parfois accepter la solitude. Holmes est bien un héros solitaire. Il est aussi seul avec Watson que Don Quichotte l'était avec Pancha. Plus qu'un autre, l'homme ou la femme Capricorne est capable de comprendre la différence entre la solitude et l'isolement. Et rien de grand ne se fait dans la foule.
J'écris ces lignes avant d'aller dîner chez un ami Capricorne, qui, parti en voyage de noces à Venise, disparut soudainement au détour d'un canal pour ne réapparaître qu'à la tombée de la nuit.
-"Où étais-tu passé?", lui demanda sa femme, qui avait dépassé le stade de l'anxiété.
-"Mais à la bibliothèque", répondit le mari, avant de professer sur la vie du marchand Francesco di Marco Datini de Prato, en l'opposant à celle de Boninsegna di Matteo. Ce qui fut, je n'en doute pas, l'occasion d'une brillante analyse de l'économie italienne, et donc mondiale, du XIVème siècle.
Le piège est de douter de soi, quand on est Capricorne. Et ce qui en découle, l'inhibition, est caractéristique du signe. Le Capricorne est plus dans l'ombre que dans la lumière au début de la vie, plus éminence grise que couverture de magazine. Alors le doute s'installe. Mais les années passent et le travail du Capricorne se remarque, de même que l'on se souviendra longtemps des travaux de Pasteur (un Capricorne qui a su prendre son temps sans jamais manquer de confiance en lui), peut-être toujours. C’est ce qui est symbolisé par la position du signe dans le zodiaque: culminant au-dessus de l'horizon.
La vocation du Capricorne est de briller, mais plus tardivement que d'autres, voilà tout. D'où la nécessité d'avoir un projet conforme à ses aspirations. Le Capricorne qui aspire à une vie sans épreuves, sans confrontation aux exigences de la réalité, ne vit pas son signe solaire. On ne peut que lui conseiller d'éviter un tel suicide moral. La nature a besoin de l'hiver. La société a besoin du Capricorne. Ce qui peut passer par des renoncements. Holmes a-t-il eu une vie amoureuse? Une vie familiale? Il était certainement un Capricorne névrosé, et en cela n'est pas un exemple à suivre, mais son combat contre le crime a une valeur, celle des vies sauvées. Et si le matin je mets du miel dans mon thé, c'est en partie grâce à lui, grâce à son mémoire sur les abeilles publié au moment de son deuxième retour de Saturne. C'est-à-dire peu avant sa dernière aventure ("His last bow") en mai 1912.
J'en viens à imaginer que la véritable vocation de Sherlock Holmes n'était pas de jouer au détective. Certes, il l'a fait avec succès, ce qui n'a pu que satisfaire son ambition. Et le Capricorne est un signe ambitieux, mais différemment du Lion, dont l'ambition est surtout une volonté de reconnaissance narcissique. Le Capricorne veut plutôt que l'on reconnaisse ses réalisations. Mais Holmes a peut-être manqué de confiance en lui pour se consacrer à une pure carrière scientifique. C'est d'ailleurs ce qu'il a décidé de faire au moment de sa retraite.
Le Capricorne a ainsi besoin de quelques années pour découvrir sa vocation, pour prendre confiance en lui, pour percer le sol gelé. L'étude du cycle de Saturne aura alors une signification particulièrement importante. La planète met 29,46 ans pour accomplir sa révolution autour du Soleil, et donc le tour du zodiaque. C'est pour cela que l'on dit que le Capricorne ne s'exprime totalement qu'au retour de Saturne, vers 30 ans, quand la planète revient sur la position qu'elle occupait à la naissance. Dans le thème de Holmes, Saturne était à 25° du signe du Taureau. C'est au début de 1881 que le détective s'installe au 211b de Baker Street, peu avant son retour de Saturne. Par cette installation, Il prépare -construit- sa place dans la société, enquête après enquête. Et cela en développant ses méthodes d'investigation scientifiques. Car Saturne est celui qui a appris, et qui donc peut transmettre. Après avoir été détrôné de sa place de dieu, Saturne erra sur la terre, puis il apprit aux hommes à cultiver leurs champs. Certains sont plus sensibles que d'autres au message délivré par Saturne, le dieu des semailles. Il y a dans la vie un moment pour semer, et un moment pour récolter, Holmes le savait. Même s'il pouvait connaître des moments de dépression, maladie typiquement capricornienne.
Il faut lire "Le chien des Baskerville". Quand il attend, seul, dans la lande, l'apparition de la malédiction des Baskerville, il a bien dû parfois douter de lui. Il a aussi connu des moments de frustration. Car la Terre, sur laquelle prennent appui les sabots du Capricorne a besoin de réussite dans le monde matériel. Holmes se tient voûté, comme beaucoup de Capricorne, comme écrasé par sa responsabilité de sauver Henry Baskerville. Les "épaules basses", la "tête projetée en avant pour fouiller l'obscurité", il représente l'homme supportant le poids de la demande du dieu Saturne. La prudence de ses plans qui ne laissent rien au hasard, son perfectionnisme, vont de pair avec l'inquiétude de son doute. L'équilibre est instable. Entre la gloire qui le récompensera et l'échec. Entre sauver Sir Henry et le perdre.
Il n'y a pas d'échec sans culpabilité. Ce n'est pas la peine de critiquer un Capricorne. Trop sensible à la réussite sociale, il est très doué pour se décourager face à un échec, puis se mettre à culpabiliser. Au lieu de redoubler d'efforts.
Dans son combat sans fin contre le mal, Holmes connaissait des moments d'abattement. C'est ainsi que j'interprète ses nuits blanches à égrener des notes sur un violon. Ainsi que ses rêveries d'opium, qui l'aident à noyer son inquiétude. Dans le zodiaque, le signe des Poissons est régi par la planète Neptune.
Lune en Poissons
Neptune est la planète des voyants, des mystiques, des artistes et des drogués. Neptune est le dieu grec Poséidon, maître de la mer. Celui qui ouvre à l'inconnu. Quand Holmes est né, la Lune était dans le signe des Poissons. Une planète humide dans un signe d'eau. Heureusement, le Soleil brillait dans un signe de Terre. Et la terre contient l'eau.
L'empathie -la faculté de s'identifier aux autres- qui est caractéristique de ceux qui ont le Soleil en Poissons reste présente, mais non de façon consciente. Avec sa Lune en Poissons, Holmes vit littéralement ce que les autres ressentent, mais sans le comprendre. Poussé par son côté Capricorne, il va chercher à rationaliser ce que l'autre ressent, ce que sa Lune a intuitivement déjà compris. C'est pour cela que ses enquêtes sont si déroutantes pour moi, simple lecteur. Combien de fois ai-je cherché à deviner l'énigme, le nom du coupable ! Mais Holmes m'a toujours devancé. C'est un détective hors pair, qui allie les méthodes scientifiques d'investigation (le Capricorne) à une quasi-voyance (le Poissons). Le style de Conan Doyle est différent en cela de celui d'un Hithcock dont les histoires se déroulent suivant un engrenage logique.
Le cher Docteur, son premier admirateur, avait finalement raison, Holmes voit tout:
Watson: "- Comment savez-vous que je l'examine (la canne) ? vous devez avoir des yeux derrière la tête !"
Holmes: "- Non, mais j'ai en face de moi une cafetière bien astiquée."
Relisez "Le chien des Baskerville", dont l'intrigue repose sur un soulier marron volé à Henry Baskerville au Northumberland Hotel. Holmes était sûr qu'il s'agissait bien d'un chien, et non d'un fantôme ayant sa place dans X-Files. C'est ce qu'il explique au dernier chapitre. Si quelqu'un avait volé une chaussure c'était pour la faire flairer par un chien. Mais dans cette lande sauvage, sous la lumière de la lune, qui aurait pu déduire des événements qu'il s'agissait d'un chien recouvert de phosphore? Pour Holmes, c'est 'curieux, mais élémentaire'. Pour moi, c'est avant tout d'intuition dont il s'agit. Au début du livre, Holmes demande par deux fois à Sir Henry si rien d'intéressant ne lui est arrivé depuis qu'il est à Londres. Cette insistance, cette obstination, pour que soit raconté une anecdote -la perte d'un soulier- provient d'une intuition. Ce n'est qu'ensuite que vient le raisonnement.
La Lune en Poissons aide Holmes dans sa mission de détective, mais elle lui donne aussi une sensibilité particulière. Il se sent seul à comprendre les rouages de sa vie intime, d'où son isolement. Car il lui faut souvent être seul pour trouver un équilibre.
On dit de ceux qui ont la Lune en Poissons qu'ils ont beaucoup de mémoire. La Lune est symboliquement associée au passé, et donc à la mémoire. Le signe de Poissons est régi par la planète Neptune. Neptune est le nom latin de Poséidon, le dieu grec des mers. Cette immensité d'eau évoque l'inconscient collectif, la mémoire collective. Sherlock Holmes est doté d'une mémoire hors du commun.
Le thème de mon frère est marqué par le signe du Poissons.
Mon frère est mon aîné de cinq ans, un monde quand on est jeune. Un après-midi de vacances, nous étions partis pour une promenade à cheval. J'étais très fier de ma nouvelle selle, à l'anglaise. Dans cette campagne brésilienne, où nous passions nos vacances, n'étaient utilisés que des harnachements de travail, des selles à pommeau où on pouvait attacher un lasso. Nous étions arrivés à notre destination, un petit village, dont je ne me rappelle plus le nom. Nous avons mis pied à terre devant le seul magasin du village, qui faisait aussi bistrot. Nous faisions sensation. Les gens n'avaient jamais vu une selle comme la mienne. Il faut dire que l'endroit était si reculé que Coca-Cola et Pepsi-Cola n'y étaient pas encore arrivés. Sans parler de l'électricité.
Pendant que je buvais quelque chose d'indescriptible au goût chimique, un attroupement se formait autour de nous. D'abord des enfants, puis des adultes, qui regardaient nos bottes, ma drôle de selle, et qui essayaient de comprendre ce que nous nous disions mon frère et moi. Quelqu'un finit par nous demander d'où nous venions. Quand notre interlocuteur découvrit que nous étions les fils de 'l'ingénieur du gisement de l'autre côté de la rivière' et que nous parlions français, un grand sourire fier éclaira son visage.
-"Ah, français! Eh bien, nous, nous avons un professeur de français."
C'est alors que la situation nous échappa totalement, à mon frère et moi. Le patron du magasin-bar avait envoyé chercher la fameuse professeur de français, car c'était une femme. Nous sentions autour de nous comme un bourdonnement, une agitation. C'est comme s'il avait parlé à travers un haut-parleur. Ce qui n'était, à première vue, qu'un petit village semblait contenir toute une foule. Et tous étaient au courant. Ils pressentaient un événement, leur professeur allait rencontrer des français. Devant nous, le chemin qui allait en s'élargissant du bar à l'église, située en haut de la colline, se remplissait de gens. Nous étions cernés, pas vraiment inquiets, mais très intrigués. Arriva, en courant, une femme. Le silence se fit. Le patron du bar nous regardait, souriait, regardait la femme, souriait encore. Les habitants du village se penchaient un peu en avant. Ce jour-là que j'ai compris ce que 'tendre l'oreille' veut dire. Le professeur était une femme un peu forte. Elle restait là, essoufflée, à regarder mon frère. Mon frère avait l'air très gêné, ne sachant comment réagir. Moi, pour une fois, j'étais content d'être le plus jeune, et je retenais ma respiration pour essayer de me faire oublier. Je me rendais bien compte qu'il se passait quelque chose, mais je ne comprenais pas très bien quoi.
-"Des français. Ils sont français, dit le patron".
Alors la femme, je n'ai jamais su son nom, sursauta, et comme poussée par une force mystérieuse, se mit à parler frénétiquement, dans un langage incompréhensible. Puis elle se figea, dévisageant mon frère. Elle devait voir l'air si affolé, qu'après un bref instant il lui répondit, en imitant ses onomatopées. Je n'ai jamais rien entendu de pareil, sauf, quelques années plus tard, en assistant un dimanche au Muppet Show. Ils discutèrent comme cela un bon moment. Tout le monde souriait. Ce n'était pas n'importe quel village, ils avaient un vrai professeur de français. J'étais un peu inquiet pour mon chien qui avait peur de tout cette agitation. Mais c'était vraiment une belle après-midi.
En partant, elle nous serra la main et nous lança un 'muddle buddel' d’au revoir.
-"Tu sais, me dit mon frère, c'est comme si j'avais lu 'merci' dans son regard."
On dit aussi des Poissons qu'ils peuvent être gentils, comme le Cancer qui est également un signe d'eau.
5 juin 1997
De la date de naissance
Les romanciers sont toujours réticents quand il s'agit de donner des précisions sur l'âge de leurs personnages. On trouve très peu de dates de naissance dans les romans. Intemporelles, les romans sont éternels.
Ici et là, on trouve un contre-exemple. Ainsi dans "La fuite de Monsieur Monde’’, Georges Simenon précise la date d'anniversaire de son héros, qui décide de prendre la fuite un 13 janvier, le jour de ses 48 ans. Mais l'année n'est pas précisée. Tout quitter est d'ailleurs une action très Uranienne -Uranus régit le signe du Verseau-. Dire :"Tiens, je vais aller acheter une boîte d'allumettes’’ et disparaître, voilà bien une attitude uranienne.
Tereza Batista est l'un de ces rares romans où on peut retrouver, à quelques jours près, une date de naissance. Jorge Amado la fait naître "deux jours avant la Saint Jean" qui, au Brésil, se fête le 24 juin. L'auteur donne quelques repères : Tereza est vendue par sa tante à un homme, le Capitaine, à 12 ans. Deux ans et trois mois après, elle découvre l'amour avec Daniel à 15 ans. Et tue d'un coup de couteau le Capitaine. L'une des dernières scènes du livre se déroule le jour du centième anniversaire de la mort du poète Castro Alves, soit le 5 juillet 1971. Amado surnomme son héroïne, Tereza de la Nouvelle Lune. Elle est peut-être née le 22 juin 1944, jour d'une nouvelle lune en Cancer. En 1971 elle aurait 27 ans. Cette chronologie peut évidemment se discuter. Ce qui fait d'ailleurs partie de ce mystérieux bonheur que peut procurer la lecture d'un roman. Un roman sans ambiguïté serait bien triste.
La plupart des astrologues, associent le thème de l'écrivain à celui de son héros. Agatha Christie était née avec le Soleil dans le signe de la Vierge. Hercule Poirot sera Vierge. Dans San-Antonio, premier flic de France, Raymond Milési considère que San-Antonio est Cancer, puisque son Papa, son créateur, Frédéric Dard, est né un 29 juin. Je n'ai pas retrouvé de citation correspondante, mais j'ai pu me tromper. Le problème avec ce type de rationalisation est que la plupart des personnages de roman seraient Vierge, beaucoup d'écrivains étant marqués par le signe de la Vierge.
Voilà ce que je me disais, après avoir lu quatre San-Antonio à la suite dans l'Eurostar -le train avait un peu de retard- cherchant à retrouver si Frédéric Dard avait oui ou non indiqué que San-A était né le 29 juin:
-"Tu vois, ma chérie, il dit bien qu'il est né dans le Dauphiné et qu'il mâchait de la réglisse dans son enfance, mais encore rien sur sa date d'anniversaire. Je suis désespéré !"
-"Moi aussi !"
Nous avions en effet décidé, avec ma femme, de passer un week-end à Londres. Je crois que ce qui a fini de l'énerver cet après-midi là, c'est que j'ai également eu du mal à dénicher le 221b Baker Street (essayez, vous verrez bien), adresse du musée Sherlock Holmes à Londres. Pendant qu'elle hésitait (son ascendant est en Balance) à se faire photographier assise sur le fauteuil du détective, je lisais l'étude d'un astrologue qui affirmait que Holmes était Capricorne ascendant Scorpion. Capricorne parce que la date de naissance indiquée par Conan Doyle était le 6 janvier 1854. Le Scorpion aime bien percer les secrets des gens, alors l'astrologue -je n'ai pas retenu son nom, mais il devait avoir du Scorpion dans son thème- avait choisi Scorpion pour le signe ascendant.
J'étais bien intrigué. Un romancier qui aurait précisé la date de naissance exacte de son héros! Poussé par ma curiosité, je suis allé, quelques jours après mon retour à Paris, à la bibliothèque de la rue Cardinal Lemoine, spécialisée dans la littérature policière, et j'ai découvert "The annotated Sherlock Holmes" et "The World Bibliography of Sherlock Holmes and Dr. Watson".
En fait, Conan Doyle, comme presque tous les romanciers, n'a jamais précisé la date de naissance de son héros. Les différents commentateurs de son oeuvre hésitent entre 1852 et 1867. Le consensus est vers 1852-1854.
La date du 6 janvier 1854 vient de trois petites phrases tirées de ‘’The Valley of Fear’’: "Being the seventh of January..."; "Those were the early days at the end of the eighties..."; "He leaned upon his hand, with his unstasted breakfast before him..."
Toute une littérature s’est développée sur ces deux phrases avec un argumentaire pour le moins peu convaincant. Puisque Sherlock Holmes ne touchait pas à son petit-déjeuner, c’est qu’il avait la gueule de bois. S’il avait la gueule de bois, c’est que, la veille de ce 7 janvier, il avait fêté son anniversaire ! Ce n’est plus de l’astrologie, c’est du syllogisme !
Capricorne - Poissons
Je relie l'attrait de Sherlock Holmes pour la musique et la drogue à la symbolique du signe des Poissons. Son esprit humanitaire -il aime bien aider les autres- me fait aussi penser aux Poissons. Son esprit scientifique, son côté introverti, peuvent correspondre au Capricorne. Pour moi, il serait plutôt né le 4 janvier 1854 que le 6 janvier. Dans sa dernière aventure ("His last bow") il sort de sa retraite en 1912 pour chasser les espions, après avoir publié un livre sur les abeilles. Il a alors environ soixante ans ("... he has around sixty..."). Il aurait ainsi son Soleil en Capricorne et sa Lune en Poissons.
Le thème de Sherlock Holmes contient notamment une conjonction Neptune-Vénus en Poissons. Cette association de deux planètes féminines lui va bien. Martine Barbault écrit à propos de cet aspect: "Le registre amoureux est immense... la bisexualité est possible." C.E.O. Carter remarque: "It often happens that the affections are disappointed or denied full expression... it may form a constituent part of the nativities of artistic geniuses."
Soleil en Capricorne
Les images représentant les signes du zodiaque sont toutes évocatrices, mais j'ai toujours pensé que certaines sont plus complexes à interpréter que d'autres. Notamment le Capricorne, stylisé par un bouc à queue de poisson. Cette complexité tient peut-être à ce que le Capricorne corresponde à un achèvement. Le signe des Poissons termine le cycle du zodiaque, commencé au Bélier, tout à gauche, là où le Soleil se lève. Le Capricorne est le dixième signe, il est culminant, se situant en haut de l'horizon. Sherlock Holmes représente bien un vieux bouc, à la longue barbiche du scientifique avide de savoir. Il étudie, de la phrénologie -l'étude des caractères d'après la forme du crâne- à la vie des abeilles. Il est le type même de l'introverti, avec sa queue de poisson en forme de trait qui revient en arrière. Son appendice ne lui sert d'ailleurs pas à grand chose. Il sublime ses pulsions sexuelles en pratiquant la boxe, en épinglant un coupable. La nature, au début de l'hiver, là où se situe la saison du Capricorne, est comme saisie dans le cristal glacé. Rien ne se passe en surface. Le travail se fait en profondeur, dans le sérieux. Holmes étudie, veille, pendant que Watson ronfle.
Il existe un animal, le capricorne, le grand coléoptère, dont la larve creuse de longues galeries et qui travaille lui aussi dans l'ombre. Mais pour le zodiaque, il s'agit surtout du dieu Saturne, que les grecs appelaient Cronos.
Saturne est le dieu dont la symbolique est associée à la notion de temps (bien que le temps, Chronos, s'écrive différemment en grec). Saturne se fit d'abord remarquer en détrônant son papa à l'aide de ses six frères (les Titans).
Après s'être fait renverser à son tour, le frustré Saturne erra longtemps en exil jusqu'à trouver un territoire à gouverner (l'Elysée).
Le Capricorne a besoin de temps. En hiver la nature est lente. Il lui faut du temps pour concrétiser ses projets. Ceux-ci seront susceptibles d'être réalisés, car le Capricorne est un signe de terre. Mais il ne faut pas être trop pressé quand on est Capricorne. Il faut plutôt chercher à structurer dans le temps, à construire. Ne pas vouloir une jeune gloire, mais rechercher la solidité. A l'image de ces montagnards qui l'hiver, dans des chalets recouverts de neige, travaillent patiemment le bois. Ce qui a commencé au printemps, au Bélier, se concrétise, se solidifie au Capricorne, même si on ne le voit pas. C'est pour cela que l'on dit que la planète Saturne, maître du signe, indique comment est structuré -charpenté- le thème natal. Il faut prendre son temps même si cela peut être difficile à vivre pour l'entourage. Il faut parfois accepter la solitude. Holmes est bien un héros solitaire. Il est aussi seul avec Watson que Don Quichotte l'était avec Pancha. Plus qu'un autre, l'homme ou la femme Capricorne est capable de comprendre la différence entre la solitude et l'isolement. Et rien de grand ne se fait dans la foule.
J'écris ces lignes avant d'aller dîner chez un ami Capricorne, qui, parti en voyage de noces à Venise, disparut soudainement au détour d'un canal pour ne réapparaître qu'à la tombée de la nuit.
-"Où étais-tu passé?", lui demanda sa femme, qui avait dépassé le stade de l'anxiété.
-"Mais à la bibliothèque", répondit le mari, avant de professer sur la vie du marchand Francesco di Marco Datini de Prato, en l'opposant à celle de Boninsegna di Matteo. Ce qui fut, je n'en doute pas, l'occasion d'une brillante analyse de l'économie italienne, et donc mondiale, du XIVème siècle.
Le piège est de douter de soi, quand on est Capricorne. Et ce qui en découle, l'inhibition, est caractéristique du signe. Le Capricorne est plus dans l'ombre que dans la lumière au début de la vie, plus éminence grise que couverture de magazine. Alors le doute s'installe. Mais les années passent et le travail du Capricorne se remarque, de même que l'on se souviendra longtemps des travaux de Pasteur (un Capricorne qui a su prendre son temps sans jamais manquer de confiance en lui), peut-être toujours. C’est ce qui est symbolisé par la position du signe dans le zodiaque: culminant au-dessus de l'horizon.
La vocation du Capricorne est de briller, mais plus tardivement que d'autres, voilà tout. D'où la nécessité d'avoir un projet conforme à ses aspirations. Le Capricorne qui aspire à une vie sans épreuves, sans confrontation aux exigences de la réalité, ne vit pas son signe solaire. On ne peut que lui conseiller d'éviter un tel suicide moral. La nature a besoin de l'hiver. La société a besoin du Capricorne. Ce qui peut passer par des renoncements. Holmes a-t-il eu une vie amoureuse? Une vie familiale? Il était certainement un Capricorne névrosé, et en cela n'est pas un exemple à suivre, mais son combat contre le crime a une valeur, celle des vies sauvées. Et si le matin je mets du miel dans mon thé, c'est en partie grâce à lui, grâce à son mémoire sur les abeilles publié au moment de son deuxième retour de Saturne. C'est-à-dire peu avant sa dernière aventure ("His last bow") en mai 1912.
J'en viens à imaginer que la véritable vocation de Sherlock Holmes n'était pas de jouer au détective. Certes, il l'a fait avec succès, ce qui n'a pu que satisfaire son ambition. Et le Capricorne est un signe ambitieux, mais différemment du Lion, dont l'ambition est surtout une volonté de reconnaissance narcissique. Le Capricorne veut plutôt que l'on reconnaisse ses réalisations. Mais Holmes a peut-être manqué de confiance en lui pour se consacrer à une pure carrière scientifique. C'est d'ailleurs ce qu'il a décidé de faire au moment de sa retraite.
Le Capricorne a ainsi besoin de quelques années pour découvrir sa vocation, pour prendre confiance en lui, pour percer le sol gelé. L'étude du cycle de Saturne aura alors une signification particulièrement importante. La planète met 29,46 ans pour accomplir sa révolution autour du Soleil, et donc le tour du zodiaque. C'est pour cela que l'on dit que le Capricorne ne s'exprime totalement qu'au retour de Saturne, vers 30 ans, quand la planète revient sur la position qu'elle occupait à la naissance. Dans le thème de Holmes, Saturne était à 25° du signe du Taureau. C'est au début de 1881 que le détective s'installe au 211b de Baker Street, peu avant son retour de Saturne. Par cette installation, Il prépare -construit- sa place dans la société, enquête après enquête. Et cela en développant ses méthodes d'investigation scientifiques. Car Saturne est celui qui a appris, et qui donc peut transmettre. Après avoir été détrôné de sa place de dieu, Saturne erra sur la terre, puis il apprit aux hommes à cultiver leurs champs. Certains sont plus sensibles que d'autres au message délivré par Saturne, le dieu des semailles. Il y a dans la vie un moment pour semer, et un moment pour récolter, Holmes le savait. Même s'il pouvait connaître des moments de dépression, maladie typiquement capricornienne.
Il faut lire "Le chien des Baskerville". Quand il attend, seul, dans la lande, l'apparition de la malédiction des Baskerville, il a bien dû parfois douter de lui. Il a aussi connu des moments de frustration. Car la Terre, sur laquelle prennent appui les sabots du Capricorne a besoin de réussite dans le monde matériel. Holmes se tient voûté, comme beaucoup de Capricorne, comme écrasé par sa responsabilité de sauver Henry Baskerville. Les "épaules basses", la "tête projetée en avant pour fouiller l'obscurité", il représente l'homme supportant le poids de la demande du dieu Saturne. La prudence de ses plans qui ne laissent rien au hasard, son perfectionnisme, vont de pair avec l'inquiétude de son doute. L'équilibre est instable. Entre la gloire qui le récompensera et l'échec. Entre sauver Sir Henry et le perdre.
Il n'y a pas d'échec sans culpabilité. Ce n'est pas la peine de critiquer un Capricorne. Trop sensible à la réussite sociale, il est très doué pour se décourager face à un échec, puis se mettre à culpabiliser. Au lieu de redoubler d'efforts.
Dans son combat sans fin contre le mal, Holmes connaissait des moments d'abattement. C'est ainsi que j'interprète ses nuits blanches à égrener des notes sur un violon. Ainsi que ses rêveries d'opium, qui l'aident à noyer son inquiétude. Dans le zodiaque, le signe des Poissons est régi par la planète Neptune.
Lune en Poissons
Neptune est la planète des voyants, des mystiques, des artistes et des drogués. Neptune est le dieu grec Poséidon, maître de la mer. Celui qui ouvre à l'inconnu. Quand Holmes est né, la Lune était dans le signe des Poissons. Une planète humide dans un signe d'eau. Heureusement, le Soleil brillait dans un signe de Terre. Et la terre contient l'eau.
L'empathie -la faculté de s'identifier aux autres- qui est caractéristique de ceux qui ont le Soleil en Poissons reste présente, mais non de façon consciente. Avec sa Lune en Poissons, Holmes vit littéralement ce que les autres ressentent, mais sans le comprendre. Poussé par son côté Capricorne, il va chercher à rationaliser ce que l'autre ressent, ce que sa Lune a intuitivement déjà compris. C'est pour cela que ses enquêtes sont si déroutantes pour moi, simple lecteur. Combien de fois ai-je cherché à deviner l'énigme, le nom du coupable ! Mais Holmes m'a toujours devancé. C'est un détective hors pair, qui allie les méthodes scientifiques d'investigation (le Capricorne) à une quasi-voyance (le Poissons). Le style de Conan Doyle est différent en cela de celui d'un Hithcock dont les histoires se déroulent suivant un engrenage logique.
Le cher Docteur, son premier admirateur, avait finalement raison, Holmes voit tout:
Watson: "- Comment savez-vous que je l'examine (la canne) ? vous devez avoir des yeux derrière la tête !"
Holmes: "- Non, mais j'ai en face de moi une cafetière bien astiquée."
Relisez "Le chien des Baskerville", dont l'intrigue repose sur un soulier marron volé à Henry Baskerville au Northumberland Hotel. Holmes était sûr qu'il s'agissait bien d'un chien, et non d'un fantôme ayant sa place dans X-Files. C'est ce qu'il explique au dernier chapitre. Si quelqu'un avait volé une chaussure c'était pour la faire flairer par un chien. Mais dans cette lande sauvage, sous la lumière de la lune, qui aurait pu déduire des événements qu'il s'agissait d'un chien recouvert de phosphore? Pour Holmes, c'est 'curieux, mais élémentaire'. Pour moi, c'est avant tout d'intuition dont il s'agit. Au début du livre, Holmes demande par deux fois à Sir Henry si rien d'intéressant ne lui est arrivé depuis qu'il est à Londres. Cette insistance, cette obstination, pour que soit raconté une anecdote -la perte d'un soulier- provient d'une intuition. Ce n'est qu'ensuite que vient le raisonnement.
La Lune en Poissons aide Holmes dans sa mission de détective, mais elle lui donne aussi une sensibilité particulière. Il se sent seul à comprendre les rouages de sa vie intime, d'où son isolement. Car il lui faut souvent être seul pour trouver un équilibre.
On dit de ceux qui ont la Lune en Poissons qu'ils ont beaucoup de mémoire. La Lune est symboliquement associée au passé, et donc à la mémoire. Le signe de Poissons est régi par la planète Neptune. Neptune est le nom latin de Poséidon, le dieu grec des mers. Cette immensité d'eau évoque l'inconscient collectif, la mémoire collective. Sherlock Holmes est doté d'une mémoire hors du commun.
Le thème de mon frère est marqué par le signe du Poissons.
Mon frère est mon aîné de cinq ans, un monde quand on est jeune. Un après-midi de vacances, nous étions partis pour une promenade à cheval. J'étais très fier de ma nouvelle selle, à l'anglaise. Dans cette campagne brésilienne, où nous passions nos vacances, n'étaient utilisés que des harnachements de travail, des selles à pommeau où on pouvait attacher un lasso. Nous étions arrivés à notre destination, un petit village, dont je ne me rappelle plus le nom. Nous avons mis pied à terre devant le seul magasin du village, qui faisait aussi bistrot. Nous faisions sensation. Les gens n'avaient jamais vu une selle comme la mienne. Il faut dire que l'endroit était si reculé que Coca-Cola et Pepsi-Cola n'y étaient pas encore arrivés. Sans parler de l'électricité.
Pendant que je buvais quelque chose d'indescriptible au goût chimique, un attroupement se formait autour de nous. D'abord des enfants, puis des adultes, qui regardaient nos bottes, ma drôle de selle, et qui essayaient de comprendre ce que nous nous disions mon frère et moi. Quelqu'un finit par nous demander d'où nous venions. Quand notre interlocuteur découvrit que nous étions les fils de 'l'ingénieur du gisement de l'autre côté de la rivière' et que nous parlions français, un grand sourire fier éclaira son visage.
-"Ah, français! Eh bien, nous, nous avons un professeur de français."
C'est alors que la situation nous échappa totalement, à mon frère et moi. Le patron du magasin-bar avait envoyé chercher la fameuse professeur de français, car c'était une femme. Nous sentions autour de nous comme un bourdonnement, une agitation. C'est comme s'il avait parlé à travers un haut-parleur. Ce qui n'était, à première vue, qu'un petit village semblait contenir toute une foule. Et tous étaient au courant. Ils pressentaient un événement, leur professeur allait rencontrer des français. Devant nous, le chemin qui allait en s'élargissant du bar à l'église, située en haut de la colline, se remplissait de gens. Nous étions cernés, pas vraiment inquiets, mais très intrigués. Arriva, en courant, une femme. Le silence se fit. Le patron du bar nous regardait, souriait, regardait la femme, souriait encore. Les habitants du village se penchaient un peu en avant. Ce jour-là que j'ai compris ce que 'tendre l'oreille' veut dire. Le professeur était une femme un peu forte. Elle restait là, essoufflée, à regarder mon frère. Mon frère avait l'air très gêné, ne sachant comment réagir. Moi, pour une fois, j'étais content d'être le plus jeune, et je retenais ma respiration pour essayer de me faire oublier. Je me rendais bien compte qu'il se passait quelque chose, mais je ne comprenais pas très bien quoi.
-"Des français. Ils sont français, dit le patron".
Alors la femme, je n'ai jamais su son nom, sursauta, et comme poussée par une force mystérieuse, se mit à parler frénétiquement, dans un langage incompréhensible. Puis elle se figea, dévisageant mon frère. Elle devait voir l'air si affolé, qu'après un bref instant il lui répondit, en imitant ses onomatopées. Je n'ai jamais rien entendu de pareil, sauf, quelques années plus tard, en assistant un dimanche au Muppet Show. Ils discutèrent comme cela un bon moment. Tout le monde souriait. Ce n'était pas n'importe quel village, ils avaient un vrai professeur de français. J'étais un peu inquiet pour mon chien qui avait peur de tout cette agitation. Mais c'était vraiment une belle après-midi.
En partant, elle nous serra la main et nous lança un 'muddle buddel' d’au revoir.
-"Tu sais, me dit mon frère, c'est comme si j'avais lu 'merci' dans son regard."
On dit aussi des Poissons qu'ils peuvent être gentils, comme le Cancer qui est également un signe d'eau.
5 juin 1997